Le recours aux mesures conservatoires devant la Cour international de Justice (CIJ) a sensiblement augmenté mais une évolution significative a été notée dernièrement. Ces développements mettent en exergue la montée en puissance des juridictions internationals soit du fait de l’immobilisme du Conseil de sécurité, soit en raison d’un effet boule de neige de la multiplication en un temps record des juridictions pénales internationales après la chute du mur de Berlin et de l’effondrement de l’URSS. Destinées à l’origine à preserver les droits des parties et à conserver les preuves lors d’une procédure principale devant la CIJ, les mesures conservatoires sont devenues un véritable instrument au service de la paix et la sécurité internationales. Elles ont, en effet, la priorité sur toutes autres questions portées devant la CIJ et permettent ainsi de réagir rapidement dans les situations d’urgence. Les deux ordonnances en indication de mesures conservatoires prononcées en 2011 consolident d’une part la jurisprudence de la CIJ. Mais elles contribuent d’autre part à l’extension du champ d’application des mesures édictées, mettant ainsi la CIJ sur un pied d’égalité avec le Conseil de sécurité dans son rôle d’organe des Nations Unies (ONU) participant à la réalisation des objectifs de la Charte de l’ONU. Cette concurrence se manifeste au niveau du litige dont le Conseil ou la CIJ peuvent être saisis, mais elle peut se manifester également dans la nature des mesures que la CIJ va édicter et qui ont été dernièrement de nature militaire notamment à travers la création d’une zone démilitarisée, chose qui était traditionnellement du resort du Conseil de sécurité. Ce qui pose la question de la force obligatoire de ces ordonnances et de leur exécution mais aussi un risqué de détournement de procédure qui pourrait paradoxalement refroidir le désir des États de recourir à la Cour mondiale.